3 questions à Cédric Delsaux
Cédric Delsaux nait en 1973, l’année où Georges Lucas entame l’écriture de Star Wars. Faut-il y voir un signe orientant son goût pour la dystopie? Sa série Dark Lens utilise en tous cas l’univers de Star Wars comme référent pour exprimer tout autre chose : une inquiétante étrangeté. Cette même étrangeté, celle d’une fiction presque réelle, se retrouve inversée dans ses autres photographies, qui nous mettent face à une réalité qui parait presque fictionnelle.
Il revient pour nous sur son travail aux limites de la représentation.
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Emmanuel Bacquet : Cédric Delsaux, votre série Dark Lens a eu un grand retentissement, jouant sur le trouble du mélange d’images réelles et fictionnelles issues du monde de Star Wars. Quel est votre rapport à la fiction en photographie?
Cédric Delsaux : La Fiction est le point essentiel de mon travail et, de mon point de vue, le grand impensé en photographie. On lui a laissé toute la liberté pour se développer en littérature ou au cinéma et on l’a vite mis de côté en photo. Or pour moi la fiction est essentielle, elle passe devant tout, puisque nous ne percevons du Monde que la Fiction que l’on s’en fait. Du moins c’est l’hypothèse que j’ai faite il y a maintenant 20 ans et que je ne cesse d’explorer depuis.
L'outils Photoshop !
EB : Dans vos séries récentes, il y a aussi une évocation du rapport ambigu à la réalité. Quelle particularité présente la photographie pour porter vos questionnements?
CD : Une vieille croyance (qui date de la critique qu’en fait Baudelaire) voudrait que la photographie entretienne une relation privilégiée au réel. Qu’elle en contienne une trace indéfectible et presque magique, d’où cette habitude à rejeter tout ce qui n’est pas direct, saisie immédiate du réel. Le recadrage, la retouche, ou pire encore, la 3D sont encore considérées comme des artefacts qui affaiblissent l’image et lui font perdre toute crédibilité. Je joue avec cette morale instinctive en mettant en scène des personnages et des vaisseaux de SiFi dans un réalisme aussi parfait que possible pour troubler le regard, le faire un peu vaciller. Si ce que je produis n’est pas vrai, c’est pourtant parfaitement vraisemblable…
Vérification du tirage
L'image encadrée
EB : Quel est votre travail photographique actuel, ou en préparation?
CD : Je travaille sur le prochain livre de La Dark Corporation avec une expo prévue dans un musée dédiée à la Science Fiction… J’espère pouvoir vous en reparler bientôt…
Entrevue réalisée en janvier 2022
Les photos sont tirées du film Shooting Stars
réalisé en 2018 par Thomas Goupille