Das Schloss : une entrevue avec Sara Imloul
Dans cet entretien, Sara Imloul partage avec Emmanuel Bacquet son parcours créatif depuis la série Das Schloss. Explorant des thèmes métaphysiques et ancestraux, elle nous invite dans son processus artistique où calotype et grand format révèlent une poésie visuelle profonde, ancrée dans un attachement atemporel à la photographie.
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Emmanuel Bacquet : Sara Imloul voilà cinq ans que DK2R est venu vous filmer au travail. Construisant votre série Das Schloss, vous exploriez une poésie visuelle très personnelle grâce à la chambre et aux contretypes papier, donnant aux tirages un aspect intemporel. Vous avez depuis créé de nouvelles séries, notamment Passages qui vous a valu le prix Levallois. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours récent ?
Sara Imloul : La série Das Schloss ( Le Château ) a été publiée dans une monographie aux Éditions Filigranes en 2015.
Puis j'ai créé la série Passages, de l'Ombre aux Images qui m'a valu le prix Levallois en 2019 dont Rip Hopkins était le président du jury. C'est une série plus introspective, plus symbolique et plus surréaliste que Das Schloss.
Une sorte d'archéologie intérieure constituée d'objets et de quelques personnages mis en scène dans un univers sombre et orientaliste.
Comme un ensemble de natures mortes à décoder réalisées dans mon atelier parisien, dont la monographie paraitra chez Filigranes je l’espère cette année.
Après le prix Levallois, je me suis lancée dans une aventure « À Quatre Mains » avec l’artiste sculpteur Nicolas Lefebvre. Nous avons collaboré ensemble sur une série de photographies de ses œuvres où j'ai pu explorer plusieurs techniques que je n'utilise pas pour mon travail personnel tel que le virage à l'or, sépia, la colorisation et les très grands formats. Ce travail a été exposé plusieurs fois et nous avons fait une résidence à Marrakech et une très belle exposition grâce à Nathalie Locatelli et la Galerie 127.
Le dernier travail en cours s'appelle « Chez Moi », c'est un conte hallucinatoire que j'ai commencé pendant le confinement, où des animaux sauvages sont entrés dans mon atelier, il sera présenté dans quelques mois.
La vague, Passages ©Sara Imloul
EB : Vous explorez une nostalgie très habitée, « une mémoire de tous les temps qui sommeille en nous » selon Edmond Jabès que vous citez dans le texte de Passages. D’où vous vient cet attachement atemporel que vous explorez en photographie ?
SI : Je ne sais pas exactement d'où ça vient, j'ai toujours été attirée par l'aspect primitif des choses. La symbolique. Les questionnements que j'aborde dans mon travail sont métaphysiques et ancestraux, bien sur l'actualité et mon environnement m'impacte mais dans ce que j'en exprime, la forme est dénuée et dénudée de références modernes, j'y fais attention pour aller à mon essentiel et créer des images les plus pures et efficaces possibles.
EB : On peut parfois voir une certaine symbolique proche de celle de Man-Ray, vous sentez-vous proche de lui ou de cette époque ?
Quels sont vos « repères » en photographie, ou en littérature ?
SI : Oui bien sur, j'ai adoré l'exposition sur la bande des surréalistes « La subversion des images » au Centre Pompidou en 2009, j'étais encore étudiante et ça avait été un choc pour moi de découvrir ce langage. Je suis toujours fascinée par l'oeuvre de Man Ray, la puissance de ses images reconnaissables entre toutes, sa finesse et son humour aussi. Beaucoup d'autres photographes du début du XX ème m'inspirent.
J'ai découvert aussi d'autres choses qui m'ont inspirées dans la peinture comme Tapiès, au cinéma comme Parajanov et au théâtre avec Baush dont j'ai vu plusieurs pièces plus jeunes, pour ne citer qu'eux.
EB : Êtes-vous toujours attachée à la chambre grand format, au papier, au laboratoire argentique et au calotype ?
SI : Plus que jamais. Je n'ai jamais fait que du calotype et j'adore ce procédé. La série sur laquelle je travaille en ce moment est en 20x25, ce grand format est nouveau pour moi mais ça me plaît beaucoup. Au travers de chaque série j'explore un peu plus les possibilités que cette technique m'offre, j'interviens de plus en plus sur le négatif papier, encre, crayon, chimie, collage, c'est quasiment sans fin mais il faut y aller doucement pour que ça fasse sens. Le cheminement de mon propos, des images et de la technique sont étroitement liés dans mon travail.
Entrevue réalisée en juin 2021
Le cordon, Passages ©Sara Imloul
Madone, sculpture Nicolas Lefebvre ©Sara Imloul