Dolorès Marat, première de cordée
Découvrez un fragment intime et inspirant de la vie de Dolores Marat. Cet extrait de l'article que lui consacre Jean-Jacques Farré dans le numéro 15 de LIKE la revue plonge dans les souvenirs d'une artiste qui a su triompher des épreuves grâce à sa passion et son talent. Un récit qui éclaire le chemin parcouru et les rencontres déterminantes, sans omettre les aléas de la vie qui façonnent un destin...
Soixante ans après, Dolores Marat n’en a pas fini avec son origine sociale. Une éducation chez les sœurs qui punissent plus qu’elles n’éduquent, une mère qui l’oblige à quitter l’école à 15 ans et la plonge dans la vie active. Une existence toute tracée. Mais l’artiste aujourd’hui célébrée a su saisir les chances qui se sont proposées sur son chemin. Un photographe de banlieue qui l’embauche, un autre qui lui montre le procédé Fresson, et une volonté jamais épuisée malgré les vicissitudes d’une vie personnelle chaotique. La vocation n’est pas qu’une idée. Elle trouve son accomplissement et s’incarne chez elle mieux que chez quiconque.
Une visite s’imposait. À peine a-t-on franchi le seuil de l’appartement que le chat de Dolores Marat lance un coup de patte sur nos mollets, toutes griffes dehors. « Il est sauvage, je l’ai recueilli dans la rue, je crois qu’il a beaucoup souffert ». Affaiblie par un AVC il y a quelques années, mais très en forme ce jour-là, elle nous invite à la rejoindre dans la cuisine, la pièce la plus lumineuse de son appartement situé au troisième et dernier étage d’un immeuble tranquille d’une ruelle d’Avignon. Dolores Marat est heureuse de nous accueillir. La solitude lui pèse un peu depuis qu’elle s’est installée dans la cité des Papes. « Je n’avais plus les moyens de vivre à Paris. » Nous traversons une grande pièce sombre – c’est le début de l’automne – convertie en immense bibliothèque, avec ses murs couverts d’étagères où sont soigneusement rangés des centaines d’ouvrages de tous styles et formats, livres d’art, de photo, littérature... Au sol, des petits tapis recouvrent les dalles de pierre. Sur d’autres étagères ou couronnant des meubles, cactées et succulentes déploient leurs camaïeux de bleu-vert. Groupées sur plusieurs pans de murs, des photos en nombre, encadrées ou pas.
Avant même que l’on ait le temps de poser une première question, Dolores entame directement une histoire qui ne peut attendre : nous voici transportés dans les années 80, celles des débuts, où la photographe se cherche encore. « Ce jour-là, en sortant du laboratoire Fresson, où j’avais fait tirer 3 photos, je suis allée voir une expo. Dans les Halles, à Paris. Mon carton sous le bras, je passe d’une image à l’autre, et à un moment un monsieur m’interpelle. Il a aperçu le nom de Fresson et me demande s’il peut jeter un coup d’œil. Il faut dire que peu de gens ont entendu parler de ce labo, qui a mis au point une formule unique – et magique – de tirage d’art. Seuls les connaisseurs peuvent le remarquer, en pariant qu’ils ont à coup sûr affaire à quelqu’un du métier. Après avoir regardé attentivement, il me lance : “Continuez !” puis me donne son nom : Robert Delpire. Je n’ai jamais oublié cette rencontre, ni ce mot que je me suis répété autant de fois que possible, quand les moments de doute me tombaient dessus. Et ils n’ont pas manqué. » Cette anecdote ne résonne pas par hasard ce jour-là : la veille, Dolores a eu un coup de fil de Sarah Moon. Qui lui a parlé longuement. Pour prendre de ses nouvelles, bien sûr, mais surtout pour lui annoncer que le jury dont elle faisait partie venait de lui décerner... le Prix Robert Delpire. Une séquence se referme ainsi, 40 ans après leur rencontre fortuite. Puis voici Dolores qui déroule – tout sourire et sans transition aucune – le récit de sa vie...
Jean-Jacques Farré, février 2024
Les photos sont tirées du film Dolorès
réalisé en 2022 par Thomas Goupille
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Vous pouvez retrouver l'intégralité de ce récit
dans le N°15 de LIKE la revue
disponible ici dans la boutique en ligne.